Incidents et Accidents à l'Usine Orano Malvési de Narbonne : Historique, Impacts et Controverses

Rapport sur les Incidents et Accidents à l'Usine Orano Malvési de Narbonne : Historique, Impacts et Controverses

Introduction

L'usine Orano Malvési, implantée sur la commune de Narbonne dans le département de l'Aude, constitue une installation industrielle de premier plan au sein du cycle du combustible nucléaire, non seulement en France mais également à l'échelle européenne. Sa fonction principale réside dans la purification des concentrés d'uranium, communément appelés "yellowcake", et leur transformation chimique en tétrafluorure d'uranium (UF4​). Cette étape de conversion est un préalable indispensable avant l'enrichissement de l'uranium, qui sera ensuite utilisé pour la fabrication de combustible destiné aux centrales nucléaires.1 Depuis sa création en 1959, le site de Malvési a traité une part considérable de l'uranium alimentant le parc nucléaire français ainsi que des clients internationaux, ce qui souligne son rôle éminemment stratégique dans la filière énergétique.1 S'étendant sur une superficie d'environ une centaine d'hectares, le complexe industriel de Malvési abrite des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) relevant du régime Seveso seuil haut, en raison des quantités importantes de substances dangereuses qu'il met en œuvre. Il comprend également une Installation Nucléaire de Base (INB n°175, dénommée ECRIN), spécifiquement dédiée à l'entreposage de résidus issus des procédés de conversion.1

L'objectif de ce rapport est de dresser un inventaire aussi exhaustif que possible et de mener une analyse approfondie des incidents, accidents, ainsi que des problématiques environnementales et sanitaires qui ont émaillé l'histoire de l'usine Orano Malvési. Cette démarche s'appuie sur une revue critique et une compilation des informations issues d'un large éventail de documents de recherche, incluant des rapports officiels de l'exploitant et des autorités de régulation, des études scientifiques indépendantes, des articles de presse et des publications d'organisations non gouvernementales. Il s'agit de contextualiser ces événements pour offrir une vision d'ensemble des enjeux associés à cette installation industrielle.

La nature même des activités menées à Malvési, qui impliquent la manipulation de substances radioactives et de produits chimiques potentiellement dangereux, impose une exigence de vigilance de tous les instants et une transparence sans faille en matière de sûreté nucléaire, de sécurité des opérations et de protection de l'environnement et de la santé publique. Ce rapport s'inscrit dans cette nécessité d'information et de redevabilité. La multiplicité des sources d'information consultées – qu'elles émanent de l'industriel lui-même, des instances de régulation, d'organismes de recherche indépendants ou d'associations de la société civile – et la diversité, voire parfois la divergence, de leurs constats mettent en lumière la complexité inhérente à l'établissement d'un tableau unifié de la situation. Orano publie régulièrement des rapports 6 qui mettent en exergue les efforts consentis en matière de sécurité et de réduction de l'empreinte environnementale. Parallèlement, des entités comme la Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité (CRIIRAD) 8 et diverses associations telles que Sortir du Nucléaire, Rubresus ou Transparence des Canaux de la Narbonnaise 10 diffusent des données et lancent des alertes qui présentent souvent une perspective plus critique, voire alarmiste. Les autorités de régulation, comme l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) et la Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL), ainsi que des instituts tels que l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) ou Atmo Occitanie, fournissent également des informations et des évaluations 13, dont l'interprétation peut toutefois varier. Cette confrontation systémique des discours et des données constitue un enjeu central pour l'appréhension objective des risques et des impacts liés à l'usine Orano Malvési.

I. Chronologie Détaillée des Incidents et Accidents Majeurs à Orano Malvési

L'historique de l'usine Orano Malvési est marqué par une série d'événements de natures et de gravités diverses, allant de déversements accidentels à des explosions et des incendies. La compilation de ces incidents, basée sur les informations disponibles, permet de dresser un panorama des risques inhérents aux activités du site et de leur gestion au fil du temps.

Tableau 1 : Tableau Chronologique Exhaustif des Incidents et Accidents à Orano Malvési

Développements sur les incidents notables

La rupture de digue des bassins B1 et B2 le 20 mars 2004 constitue l'un des incidents les plus marquants. Provoquée par de fortes pluies, elle a entraîné le déversement d'environ 30 000 m³ de résidus radioactifs et chimiques sur près de 12 hectares.11 Les analyses, notamment celles menées par la CRIIRAD à la demande d'un riverain dont le jardin a été touché, ont révélé la présence non seulement d'uranium et de radium, mais aussi d'isotopes transuraniens artificiels tels que l'américium et le plutonium-241.11 Cet événement a conduit à l'arrêt de l'usine pendant 12 jours et, ultérieurement, à l'interdiction d'utiliser les bassins B1 et B2 pour la décantation des effluents liquides, puis à leur classement en Installation Nucléaire de Base (INB n°175 ECRIN).11

Les incidents liés au transport et à la manutention de matières dangereuses jalonnent également l'histoire du site. Dès 1974, un déversement d'uranate de magnésium sur la voie ferrée entre la gare de Narbonne et Malvési a nécessité une intervention spécialisée.11 En 1975, un camion transportant de l'uranate de sodium s'est renversé, contaminant la chaussée.11 Plus tard, en mars 2001, le déraillement en gare de Narbonne de trois wagons contenant 100 tonnes d'acide fluorhydrique destinés à Malvési a provoqué une situation critique, nécessitant plus d'un mois et demi pour le relevage des wagons et entraînant l'évacuation partielle de la population.11 Plus récemment, en 2019, sept instances de fûts de concentré d'uranium fuyards ont été détectées à leur arrivée à Malvési.18 En juin 2021, une importante fuite d'uranium en poudre s'est produite sur le site Orano du Tricastin lors du déchargement d'un camion-citerne en provenance de Malvési, un incident attribué par l'ASN à des "défauts de culture de sûreté".10 Enfin, le 29 avril 2025, une fuite limitée d'acide fluorhydrique sur un wagon fraîchement arrivé sur le site de Malvési a conduit au déclenchement du Plan d'Opérations Interne (POI).28 Cette succession d'événements, impliquant diverses substances et modes de transport sur plusieurs décennies, met en évidence une vulnérabilité persistante dans ces phases critiques d'acheminement et de manipulation des matières.

La transparence et la rapidité de la communication en cas d'incident constituent un autre point sensible. Lors de l'incendie survenu dans un atelier en octobre 2022, des organisations comme Sortir du Nucléaire ont critiqué la communication d'Orano, jugée "minimale", pour ne pas avoir précisé l'atelier concerné, la cause de l'incendie, l'étendue des dégâts, ni même utilisé le terme "radioactivité".24 De même, concernant la fuite d'uranium au Tricastin en 2021, la quantité exacte de matière répandue n'a pas été clairement établie initialement, et l'ASN a relevé des "écarts ou retards" dans la gestion de l'événement.10 Des accusations similaires de tentative de dissimulation avaient été portées contre Comurhex lors de la pollution des eaux de 2009.19 Le collectif SDN11 souligne d'ailleurs de manière générale qu'aucun rapport ne détaille systématiquement les mesures effectuées et que certaines déclarations d'incident ne sont pas publiées sur le site de l'ASN, certains accidents n'étant révélés que tardivement.11 Cette opacité ou ces délais dans la diffusion d'informations complètes peuvent entraver l'évaluation indépendante des risques et tendent à alimenter la méfiance des associations et du public.

La pollution des eaux en août 2009, due à une fuite sur une canalisation corrodée, a eu des conséquences directes sur l'environnement, avec une mortalité piscicole importante et une interdiction temporaire de la pêche.16 Comurhex a été condamnée en 2011 à une amende de 60 000 € pour cet épisode.16 Plus récemment, le 5 juillet 2023, un incident pour le moins insolite s'est produit lorsqu'un hélicoptère bombardier d'eau, luttant contre un incendie à Montredon-des-Corbières, a par erreur prélevé 2000 litres d'effluents nitratés radioactifs dans un bassin de décantation de l'usine Orano Malvési, les déversant ensuite sur la zone de l'incendie et affectant une équipe de pompiers.20 Si les autorités ont communiqué sur l'innocuité de l'exposition après analyses, la CRIIRAD a souligné le besoin de détails supplémentaires pour une évaluation complète.27

Les explosions et incendies ne sont pas rares. Outre l'explosion dans le bâtiment de fluoration en 1979 11, une détonation suivie d'un incendie s'est produite le 19 septembre 2018 lors de la manipulation d'un fût de matières uranifères recyclables, blessant légèrement trois salariés.10 Orano n'aurait, dans sa communication initiale, pas fait état de la détonation précédant l'incendie.18

Ces événements, parmi d'autres listés dans le tableau, illustrent la diversité des risques présents sur le site de Malvési, qu'ils soient chimiques, radioactifs, ou liés à des défaillances techniques ou humaines.

II. Surveillance Environnementale et Contaminations

La surveillance de l'impact environnemental de l'usine Orano Malvési est une préoccupation constante, menée à la fois par l'exploitant, les autorités de régulation et des organismes indépendants. Les résultats de cette surveillance révèlent des contaminations de l'air, de l'eau et des sols.

A. Pollution de l'Air

Le suivi de la qualité de l'air autour de Malvési se concentre principalement sur l'ammoniac (NH3​) et les substances radioactives.

• Suivi de l'ammoniac (NH3​) par Atmo Occitanie: Atmo Occitanie réalise une surveillance continue des concentrations d'ammoniac. Les rapports trimestriels et annuels fournissent des données régulières.14 Au deuxième trimestre 2024, bien qu'aucun dépassement de la valeur de référence de 500 µg/m³ (recommandée par l'ANSES et l'INERIS) n'ait été mesuré, les concentrations de NH3​ étaient en hausse par rapport à 2023 sur tous les sites de mesure, la plus élevée (48 µg/m³) étant enregistrée sur le site d'Arterris, à proximité de l'usine.14 Le bilan pour l'année 2023 n'a pas non plus montré de dépassement de cette valeur de référence. Il a été noté une tendance globale à la baisse des concentrations depuis la mise en service de nouveaux procédés industriels par Orano ; cependant, les émissions diffuses provenant des bassins de lagunage semblent demeurer une source significative d'ammoniac.33 En 2023, les émissions canalisées d'ammoniac provenaient majoritairement de l'atelier de Traitement des Effluents Acides (TEA), représentant 64% du total, et ont connu une augmentation par rapport à 2022, attribuée à une hausse de la production de l'usine et à la fiabilisation du fonctionnement de l'atelier TEA.33 L'ammoniac est un gaz irritant pour le système respiratoire, la peau et les yeux, pouvant causer des brûlures graves et des œdèmes pulmonaires à forte concentration, voire être mortel. Sur le plan environnemental, il contribue à l'eutrophisation des milieux aquatiques.14
  
• Détection d'uranium et autres radionucléides dans l'air et la végétation (CRIIRAD): Les investigations menées par la CRIIRAD ont mis en évidence une contamination radioactive de l'environnement aérien. Lors d'une conférence de presse le 29 novembre 2024, la CRIIRAD a rapporté la détection d'uranium à des niveaux significatifs. À une distance de 300 mètres à l'est des clôtures du site, la concentration d'uranium dans la végétation s'est avérée plus de 100 fois supérieure au bruit de fond naturel. De manière notable, même à plus de 4 kilomètres à l'est de l'usine, cette concentration restait deux fois plus élevée que le niveau naturel.8 La CRIIRAD a également noté qu'Orano avait récemment installé des dispositifs de type brise-vent à l'est des bassins d'évaporation, ce qui pourrait suggérer une reconnaissance implicite de cet impact éolien.8 En réponse à ces informations, la direction d'Orano, citée par L'Indépendant en décembre 2024, a assuré que les résultats de ses propres analyses de radioactivité sur le site étaient "200 fois inférieurs à la limite réglementaire française pour le public".20Des alertes antérieures avaient déjà été lancées. En avril 2021, des riverains avaient détecté des niveaux de radiation élevés près de la clôture du site (quatre fois la radioactivité naturelle ambiante), et des analyses de feuilles de cyprès prélevées à l'est de l'usine (sous les vents dominants) avaient montré des concentrations d'uranium 28 fois supérieures à celles d'échantillons témoins.9 La CRIIRAD souligne que les effluents nitratés contenus dans les bassins de Malvési renferment un cocktail de 47 radionucléides différents, dont certains, comme le thorium 230, l'actinium 227 ou le plutonium 238, sont particulièrement radiotoxiques par inhalation et peuvent être dispersés par les vents sous forme d'embruns.9
  
• Surveillance par l'IRSN: L'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) a initié en 2021 une Étude Radiologique de Site (ERS) d'une durée prévisionnelle de trois ans. Cette étude vise à évaluer l'impact des rejets de l'ICPE de Malvési sur son environnement et à affiner les modèles de calcul de l'IRSN pour le transfert de la radioactivité. Elle comprend des prélèvements dans les milieux atmosphérique, terrestre et aquatique, ainsi que des enquêtes de proximité auprès des populations riveraines pour connaître leurs habitudes de vie.13 En août 2024, la CRIIRAD a indiqué avoir demandé à l'IRSN une copie du rapport ERS, qui n'était pas encore disponible à cette date.36
  

B. Pollution des Eaux et des Sols

Les activités de l'usine Orano Malvési ont également des répercussions sur la qualité des eaux de surface, des eaux souterraines et des sols.

• Contamination des canaux (Tauran, Robine) et étangs (Bages-Sigean): L'usine de Malvési a historiquement utilisé le canal du Tauran pour ses rejets d'effluents traités.23 La pollution des eaux en août 2009, caractérisée par des déversements de fluor et d'uranium, a entraîné une mortalité piscicole et une interdiction temporaire de l'usage agricole de l'eau du canal de la Robine.16 Les niveaux de fluor avaient alors atteint trois à quatre fois la dose maximale admissible.16 Un arrêté préfectoral du 30 novembre 2011 (N° 2011332-0004) a par la suite interdit la pêche en vue de la consommation et de la commercialisation dans les canaux de Tauran et de la Robine en raison d'une contamination par les Polychlorobiphényles (PCB).39 Il est important de noter que les sources disponibles ne permettent pas d'établir un lien direct entre l'activité d'Orano Malvési et cette contamination spécifique par les PCB, qui pourrait avoir d'autres origines. Un arrêté préfectoral ultérieur, faisant référence à des prélèvements de juin 2022, a levé partiellement cette interdiction pour le canal de la Robine.40 Des analyses commandées par l'association TCNA en 2017 ont révélé un excès d'uranium dans les sédiments des canaux Tauran et Mayrale, suggérant un apport anthropique lié à l'activité industrielle.16 L'association Rubresus a également signalé en 2020 la présence d'une empreinte d'uranium dans les sédiments de l'étang de Bages-Sigean, jusqu'à Port La Nouvelle, à une vingtaine de kilomètres du site.41
  
• Impact sur les nappes phréatiques: La contamination potentielle des nappes phréatiques par infiltration des polluants depuis les canaux et les bassins de lagunage est une préoccupation ancienne.17 En avril 2009, des concentrations élevées d'uranium ont été détectées dans les eaux souterraines sur le site même de Malvési.18 Bien que le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) ait mené des études générales sur la contamination des eaux souterraines par des éléments radioactifs 42, les données spécifiques et récentes concernant l'impact de Malvési sur les aquifères locaux, issues de l'IRSN ou du BRGM, ne sont pas détaillées dans les documents consultés. L'étude ERS en cours par l'IRSN 38 devrait apporter des éclaircissements sur ce point crucial. Les rapports publiés par Orano font état d'actions de "confortement environnemental" visant à réduire l'empreinte des activités sur les eaux souterraines.7
  
• Contamination des sols: Le rapport de la CRIIRAD de 2006, consécutif à la rupture de digue de 2004, a fourni une analyse détaillée des boues et des sols affectés. Ces analyses ont confirmé la présence de plutonium, ainsi que de descendants hautement radiotoxiques de l'uranium 238 et 235, et de la chaîne de désintégration du thorium 232.43 Suite à cette même rupture de digue, l'IRSN avait également détecté du plutonium dans du blé cultivé sur un champ avoisinant.36 Plus récemment, la synthèse 2020-2021 de la CRIIRAD a confirmé un excès d'uranium dans des échantillons de feuilles de cyprès prélevés autour du site, indiquant une dispersion atmosphérique des contaminants qui se déposent ensuite sur les sols et la végétation.9 Le Bulletin des Communes rapportait en 2021 que les taux d'uranium dans les sols à l'est de l'usine étaient doubles de ceux mesurés au nord, corroborant les conclusions d'un rapport de l'IRSN datant de 2008.37
  
• Contamination par le thorium et les métaux lourds: L'étude d'impact réalisée par AREVA en 2015 dans le cadre du dossier pour le projet TDN (Traitement Des Nitrates) indiquait que les effluents nitratés stockés dans les bassins de Malvési contenaient 47 radionucléides différents, parmi lesquels le thorium 230.9 La CRIIRAD a alerté sur le fait que les populations riveraines sont exposées à un "cocktail" de métaux lourds et de radionucléides.9 Le rapport de 2006 de la CRIIRAD avait déjà mis en évidence la présence de descendants du thorium 232 dans les boues et les sols analysés.43
  

C. Gestion des Déchets et des Bassins de Lagunage

La gestion des résidus de traitement et des effluents liquides constitue un enjeu majeur pour le site de Malvési, qui dispose d'un important parc de bassins de décantation et d'évaporation.

• Problématiques des bassins (B1-B12, CERS): Le site stocke des centaines de milliers de mètres cubes de résidus solides, principalement des boues de fluorine (classées comme Résidus de Traitement et de Conversion de l'Uranium - RTCU), ainsi que d'importants volumes d'effluents liquides nitratés.1 La rupture de digue des bassins B1-B2 en 2004 a mis en lumière la vulnérabilité de ces ouvrages.11 La stabilité des digues reste un sujet de surveillance : en mai 2019, le facteur de stabilité du talus ouest de l'INB n°175 (ECRIN) s'est avéré localement inférieur aux prescriptions réglementaires, nécessitant des travaux de correction (installation de bandes drainantes et d'enrochements). Cet événement a été classé au niveau 0 de l'échelle INES.18 Orano a engagé des projets dénommés PERLE et CERS visant à créer des alvéoles d'entreposage étanches et à déshydrater les résidus solides, notamment à l'aide de géotubes.1
  
• Installation ECRIN (INB n°175): Cette Installation Nucléaire de Base a été aménagée sur l'emprise des anciens bassins B1 et B2. Elle est destinée au confinement des RTCU historiques. Une couverture étanche a été mise en place et est opérationnelle depuis octobre 2020.1 L'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a autorisé la mise en service de l'installation ECRIN en octobre 2018.20 En juin 2024, l'ASN a également autorisé la mise à jour du rapport de sûreté, des règles générales d'exploitation (RGE), du plan d'urgence interne (PUI) et de l'étude de maîtrise des risques pour cette INB.15
  
• Impact sur la faune et la flore / Biodiversité: Les rejets et incidents de l'usine ont eu des impacts documentés sur la faune et la flore locales. La mortalité piscicole observée en 2009 suite à une fuite toxique en est un exemple direct.16 La contamination de la végétation environnante (cyprès, blé) par l'uranium et le plutonium a été mise en évidence par plusieurs études.9 L'Environmental Justice Atlas (EJAtlas) mentionne la "perte de biodiversité (faune, agrodiversité)" comme un impact potentiel du site Orano Malvési.44 Bien que les rapports publiés par Orano évoquent une démarche de réduction de l'empreinte environnementale 1, les documents consultés ne font pas état d'une étude scientifique globale et récente spécifiquement dédiée à l'évaluation de l'impact de l'usine sur la biodiversité locale. Cette absence d'étude d'impact écologique exhaustive et actualisée, menée par l'exploitant ou un organisme indépendant, constitue une lacune notable au vu des contaminations avérées.
  

Tableau 2 : Synthèse des Principales Conclusions des Rapports de Surveillance Environnementale (Air, Eau, Sol, Végétation)

III. Impacts Sanitaires et Sécurité au Travail

Les activités de l'usine Orano Malvési, impliquant des substances radioactives et chimiques, soulèvent des questions importantes concernant la santé des travailleurs et des populations riveraines.

A. Maladies Professionnelles et Accidents du Travail

Plusieurs cas de maladies professionnelles ont été reconnus chez d'anciens travailleurs de Comurhex/Orano Malvési, et des accidents du travail ont également été rapportés.

• Cas reconnus de maladies professionnelles:
  
• Bernard Moya: Employé pendant 32 ans chez Comurhex, Bernard Moya est décédé en 2008 d'un cancer bronchopulmonaire. Sa maladie a été reconnue comme maladie professionnelle en avril 2009, et ce lien a été établi avec l'inhalation de radioactivité sur son lieu de travail. La société Areva (ancien nom d'Orano) a cependant contesté l'origine radioactive du cancer.16
  
• Michel Leclerc: Ayant travaillé pour un sous-traitant sur le site de Malvési d'août 1980 à juin 1984, Michel Leclerc a développé une leucémie myéloïde chronique. Sa maladie a été reconnue comme professionnelle en octobre 1992. En 1999, Comurhex a été condamnée par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Carcassonne pour une faute en lien avec son préjudice. En 2012, le Tribunal de Grande Instance de Narbonne a reconnu l'entière responsabilité de Comurhex dans la maladie de Michel Leclerc, mais ce jugement a été infirmé en appel par la Cour d'Appel de Montpellier en 2013. L'affaire a ensuite été portée devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme en 2016.16
  
• François Gambart: Décédé en 2001, François Gambart a développé une leucémie aiguë identifiée en 1999 et déclarée comme maladie professionnelle en 2000. Après un refus initial de prise en charge par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM), ses ayants droit ont saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, qui a reconnu la nature professionnelle de sa maladie en 2005. Cette décision a été confirmée par la chambre sociale de la Cour d'Appel de Montpellier en 2006, puis de nouveau en mars 2008.16 Une enquête publiée par le magazine Nexus en 2015 faisait état d'au moins neuf autres cas de cancers (leucémies, cancer du rein, cancer du poumon) parmi des employés ou sous-traitants de Malvési, dont les noms n'ont pas été divulgués à la demande des victimes ou de leurs familles.47
  
• Accidents du travail spécifiques:
  
• Le 8 février 2017, un salarié d'une entreprise sous-traitante (Amalis) a été victime d'un accident du travail. Lors d'une opération de nettoyage, il a été surpris par un "flash fire" (embrasement rapide) et a chuté d'une plateforme, se fracturant la clavicule. Cet accident a entraîné une incapacité de travail de plusieurs mois. La société Orano Cycle a été reconnue coupable de blessure involontaire ayant entraîné une incapacité de plus de trois mois dans le cadre du travail, et pour avoir fourni un équipement de travail ne garantissant pas la sécurité. Orano a été condamnée à payer une amende de 30 000 €.22
  
• Le 1er juillet 2021, Orano a de nouveau été condamnée à une amende de 30 000 € pour un accident du travail survenu à Malvési, bien que les détails spécifiques de cet accident ne soient pas précisés dans les documents consultés.18
  
• Statistiques et critères de reconnaissance: Les rapports généraux de l'ASN ou de l'IRSN 48 ne fournissent pas de statistiques spécifiques à l'usine de Malvési concernant l'incidence des maladies professionnelles, ni de détails sur les critères précis de reconnaissance appliqués pour ce site. Ces documents abordent plutôt le nombre global d'événements classés sur l'échelle INES au niveau national ou le nombre d'échantillons environnementaux prélevés.
  

B. Préoccupations Sanitaires pour les Riverains

Les rejets chroniques et accidentels de l'usine suscitent de vives inquiétudes parmi les populations riveraines quant à d'éventuels impacts sur leur santé.

• Absence d'études épidémiologiques officielles et complètes (selon les associations): L'association Rubresus, en 2020, a vivement critiqué les affirmations d'Orano selon lesquelles les activités de l'usine n'auraient pas d'impact sanitaire notable. Rubresus a souligné qu'aucune étude épidémiologique exhaustive n'avait été diligentée par les autorités sanitaires pour étayer scientifiquement de telles affirmations et évaluer l'état de santé réel des populations exposées aux rejets de Malvési.41
  
• Sur-incidence de cancers du poumon à Narbonne: Une étude de l'Agence Régionale de Santé (ARS) Occitanie, portant sur la période 2009-2013, a révélé que le taux standardisé de décès par cancer du poumon à Narbonne était de 26 % supérieur à la moyenne régionale (55,1 décès pour 100 000 habitants contre 43,7 pour 100 000 habitants). Cette étude confirmait les résultats d'une précédente enquête de l'ARS (période 2004-2008) qui avait déjà mis en évidence des taux élevés de cette pathologie à Narbonne.41 Le journal en ligne Reporterre a également publié en mars 2021 un article intitulé "À Narbonne, l'usine d'uranium, les cancers du poumon et beaucoup de questions", témoignant de ces préoccupations locales.45 Bien que cette corrélation temporelle entre l'activité de l'usine et la sur-incidence de cancers du poumon soit un sujet de préoccupation majeur soulevé par les associations et certains médias, les documents consultés ne fournissent pas d'étude épidémiologique établissant un lien de causalité direct et scientifiquement irréfutable entre les rejets spécifiques d'Orano Malvési et cette situation sanitaire. Les rapports de Santé Publique France 51 et les documents de l'ARS ou du CPIAS Occitanie 33 disponibles sont soit d'ordre général sur le cancer ou la qualité de l'air/eau en région, soit ne ciblent pas spécifiquement un lien épidémiologique avec l'usine de Malvési pour la période 2019-2025. La demande d'une étude spécifique sur ce point semble donc ne pas avoir été satisfaite à ce jour.
  
• Alertes des associations et collectifs: De nombreuses associations et collectifs citoyens (TC Narbonne, Rubresus, Sortir du Nucléaire Aude, CRIIRAD) expriment régulièrement et depuis de nombreuses années leurs craintes concernant l'impact sanitaire des rejets chroniques et accidentels de l'usine Orano Malvési.8 La CRIIRAD, en particulier, met en garde contre les risques liés à l'inhalation d'uranium et du "cocktail" de radionucléides et de métaux lourds potentiellement dispersés par l'usine, notamment depuis les bassins de lagunage.9
  

Tableau 3 : Récapitulatif des Cas de Maladies Professionnelles Reconnues et des Accidents du Travail Notables

IV. Projets Contestés et Cadre Réglementaire

Plusieurs projets d'envergure menés par Orano sur le site de Malvési ont suscité d'importantes controverses et oppositions, notamment de la part des associations de protection de l'environnement et des riverains. Ces projets s'inscrivent dans un cadre réglementaire strict, supervisé par les autorités compétentes.

A. Projet TDN (Traitement Des Nitrates) / THOR

• Présentation et objectifs: Le projet TDN vise à traiter les effluents nitratés liquides, accumulés depuis des décennies dans les bassins de lagunage du site. L'objectif affiché par Orano est de réduire significativement le volume de ces effluents et de les conditionner sous une forme solide et stable en vue d'un entreposage ou d'une évacuation.1 Le procédé envisagé repose sur une dénitrification thermique, assimilable à une forme d'incinération à haute température. Ce projet a reçu une autorisation préfectorale d'exploitation en 2017.6
  
• Controverses et oppositions: Le projet TDN a fait l'objet d'une vive contestation de la part de nombreuses associations (TCNA, Rubresus, SDN11, Greenpeace) et de citoyens.45 Les principales craintes portent sur les rejets atmosphériques potentiels de polluants chimiques (oxydes d'azote, etc.) et radioactifs (notamment les radionucléides contenus dans les effluents) qui pourraient résulter du procédé thermique, et sur leurs impacts sanitaires sur les populations avoisinantes. Des critiques ont également été formulées concernant l'absence de prise en compte des perturbateurs endocriniens dans les études d'impact et sur le coût financier jugé exorbitant du projet.59 Des parallèles ont été établis avec un projet similaire aux États-Unis (projet THOR), qui aurait connu des déboires techniques et financiers importants.61 Une nouvelle enquête publique organisée en 2023 concernant ce projet a été jugée décevante et insuffisante par l'association TCNA.58
  
• Actions en justice: L'autorisation d'exploiter le TDN a fait l'objet de plusieurs recours contentieux. En octobre 2022, la Cour Administrative d'Appel (CAA) de Marseille a ordonné à Orano de fournir une analyse complémentaire des impacts environnementaux du projet, reconnaissant ainsi partiellement les arguments des associations requérantes.18 Une nouvelle audience s'est tenue devant la même cour le 12 avril 2024, concernant les recours déposés par les associations Rubresus et COL.E.R.E contre les autorisations des projets TDN et NVH.65 Les documents disponibles ne précisent pas l'issue de cette audience.
  

B. Projet NVH (Nouvelle Voie Humide)

• Présentation et objectifs: Le projet NVH concerne la construction et l'exploitation d'une nouvelle unité de production de dioxyde d'uranium (UO2​) sur le site de Malvési.1 Cet UO2​ est destiné notamment à la fabrication de combustible MOX (Mélange d'Oxydes d'uranium et de plutonium). L'atelier UO2​ a été mis en service ("mise en actif") en 2022, et a produit plus de 29 tonnes d'UO2​ en 2023.6
  
• Préoccupations: Ce projet a également soulevé des critiques, en particulier de la part de Sortir du Nucléaire, qui a dénoncé un manque de transparence, l'absence d'étude d'impact détaillée et d'enquête publique spécifique avant son autorisation.59 En mai 2024, lors d'une rencontre avec Greenpeace, l'ASN a été interrogée sur le développement de cette production d'UO2​ à Malvési.68
  

C. Rôle et Actions des Autorités de Régulation (ASN, DREAL, Préfecture)

Les activités d'Orano Malvési sont encadrées par un dispositif réglementaire et de contrôle impliquant plusieurs autorités.

• Inspections et contrôles: L'ASN et la DREAL (Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement) réalisent des inspections régulières sur le site pour vérifier la conformité aux réglementations et aux autorisations d'exploiter.31 Par exemple, une inspection de l'ASN a eu lieu le 13 novembre 2023, portant sur l'expédition de matières radioactives. La lettre de suite d'inspection (INSSN-MRS-2024-0689) a conclu à une organisation globalement satisfaisante, tout en demandant des ajustements sur l'étiquetage et la signalisation des citernes d'UF4​.69 Les rapports annuels publiés par Orano (Rapports de Transparence Santé Nucléaire - TSN) sont transmis à la Commission Locale d'Information (CLI) et au Haut Comité pour la Transparence et l'Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN), et doivent en principe lister les incidents déclarés à l'ASN.6
  
• Autorisations et avis: L'ASN délivre les autorisations relatives aux Installations Nucléaires de Base. Elle a ainsi autorisé la mise en service de l'INB ECRIN (n°175) en octobre 2018 20 et a approuvé la mise à jour de son rapport de sûreté en juin 2024.15 Les autorisations pour les ICPE, comme l'usine de conversion ou les projets TDN et NVH (atelier UO2​), relèvent de la compétence du Préfet de l'Aude, après instruction par la DREAL et avis d'instances consultatives comme le CODERST (Conseil Départemental de l'Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques). L'autorisation préfectorale pour le TDN a été délivrée en 2017 6 et celle pour l'atelier UO2​ en 2018.23 L'ASN émet également des avis sur la sûreté des projets et des installations.68
  
• Sanctions et mises en demeure: L'ASN a le pouvoir de classer les incidents sur l'échelle INES (International Nuclear Event Scale), comme ce fut le cas pour la fuite de nitrate d'uranyle de 2016, classée au Niveau 1.18 Des mises en demeure peuvent également être prononcées par le Préfet en cas de non-conformités réglementaires.
  

D. Communication et Transparence d'Orano

Orano met en œuvre plusieurs canaux pour communiquer sur ses activités à Malvési.

• L'entreprise publie annuellement un Rapport de Transparence Santé Nucléaire (TSN) spécifique au site de Malvési, qui détaille ses activités, sa gestion environnementale, la sûreté et les événements de l'année.1
  
• Lors d'incidents notables, Orano publie des communiqués de presse, comme ce fut le cas pour la fuite d'acide fluorhydrique en avril 2025.29
  
• Une initiative de dialogue avec les riverains, les "Mercredis de Malvési", est également mise en avant par l'exploitant.6
  

Cependant, cette stratégie de communication d'Orano est souvent confrontée à un scepticisme important de la part des associations environnementales et d'une partie du public. Malgré les efforts de communication, tels que les rapports TSN ou les "Mercredis de Malvési", la perception d'un manque de transparence ou d'une minimisation des faits persiste. Par exemple, la communication d'Orano suite à l'incendie de 2022 a été qualifiée de "minimale" par Sortir du Nucléaire.24 De même, lors de la fuite polluante de 2009, Comurhex avait été accusée d'avoir tenté de dissimuler l'incident.19 Face aux alertes de la CRIIRAD concernant la contamination par l'uranium autour du site 8, Orano a répondu en affirmant que ses propres mesures montraient des niveaux de radioactivité "200 fois inférieurs à la limite réglementaire".20 Cette dichotomie entre les déclarations officielles rassurantes et les constats parfois alarmants d'organismes indépendants alimente une méfiance durable. Les "idées reçues" qu'Orano déclare vouloir combattre 6 sont souvent renforcées par les conclusions des études et analyses menées par ces organismes indépendants, créant un dialogue difficile et une perception publique souvent critique.

V. Mobilisations Associatives et Actions en Justice

Face aux activités de l'usine Orano Malvési, à ses impacts environnementaux et aux risques sanitaires perçus, un tissu associatif local et national s'est fortement mobilisé au fil des années. Ces organisations jouent un rôle de surveillance, d'alerte, de contre-expertise et de recours juridique.

A. Acteurs Clés et Leurs Rôles

• CRIIRAD (Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité): Cet organisme scientifique indépendant est un acteur majeur dans l'évaluation de la contamination radioactive autour de Malvési. La CRIIRAD mène ses propres campagnes de mesures et d'analyses (uranium, plutonium, thorium et autres radionucléides), publie des rapports critiques, alerte sur les risques sanitaires potentiels et apporte un soutien scientifique aux collectifs de citoyens.8
  
• Sortir du Nucléaire (Réseau national et son antenne locale Sortir du Nucléaire Aude - SDN11): Cette organisation mène des campagnes d'information et de sensibilisation auprès du public, dénonce les pollutions et les risques liés aux activités nucléaires de Malvési, s'oppose activement aux nouveaux projets industriels tels que TDN et NVH, et organise des actions de mobilisation citoyenne (manifestations, rassemblements).10
  
• Rubresus et COL.E.R.E (Collectif Écologiste de la Région Narbonnaise): Ces associations locales sont particulièrement actives sur le front juridique, engageant des recours contre les autorisations d'exploiter des nouvelles installations (TDN, NVH). Elles mènent également un travail d'alerte sur les pollutions et les impacts sanitaires potentiels pour les riverains.12
  
• TCNA (Transparence des Canaux de la Narbonnaise): Initialement focalisée sur la pollution des canaux, cette association s'est fortement mobilisée contre le projet TDN, participant à des actions en justice et informant le public sur les risques liés aux activités de Malvési.16
  
• France Nature Environnement (FNE): Cette fédération d'associations de protection de la nature et de l'environnement a également engagé des actions en justice pour des faits de pollution, comme en témoigne la condamnation de Comurhex en 2011 suite à la pollution des eaux de 2009.19
  

B. Principales Revendications et Campagnes

Les mobilisations associatives autour d'Orano Malvési s'articulent autour de plusieurs revendications majeures :

• Une transparence accrue de la part d'Orano et des autorités réglementaires concernant les rejets, les incidents et les études d'impact.16
  
• L'arrêt ou la révision en profondeur des projets contestés, notamment TDN et NVH, en raison des craintes sur leurs conséquences environnementales et sanitaires.58
  
• La réalisation d'études épidémiologiques indépendantes et complètes pour évaluer l'impact sanitaire réel des activités de l'usine sur les populations riveraines.41
  
• L'amélioration de la surveillance environnementale, avec des mesures indépendantes et plus exhaustives, et une meilleure gestion des déchets radioactifs et chimiques accumulés sur le site.43
  
• Certaines organisations, comme Sortir du Nucléaire Aude en 2021, sont allées jusqu'à demander l'arrêt pur et simple de l'usine en raison de l'accumulation des déchets et des pollutions historiques.59
  
• Une vigilance particulière est portée aux transports de matières radioactives à destination ou en provenance de Malvési, comme en témoigne l'observation par SDN11 d'un convoi d'uranium en gare de Narbonne en novembre 2024.61
  

C. Actions en Justice Notables

Le recours à la justice est une constante dans la contestation des activités d'Orano Malvési.

• Condamnations passées:
  
• Comurhex a été condamnée en 2007 à verser 239 371 € de dommages et intérêts pour des faits de pollution azotée survenus entre 1990 et 1998.11 Les documents disponibles ne précisent pas l'issue d'un éventuel appel de cette décision.64
  
• Suite à la pollution des eaux d'août 2009, Comurhex (devenue Areva, puis Orano) a été condamnée en 2011 à une amende de 60 000 €.16 Les informations sur l'exécution de ce jugement ne sont pas détaillées.34
  
• En 2015, Areva a de nouveau été condamnée pour de multiples infractions environnementales sur le site de Malvési.18 Les suites données à cette condamnation en termes de mesures de prévention ne sont pas explicitées dans les documents consultés.11
  
• Recours contre les projets TDN et NVH:
  
• En octobre 2022, la Cour Administrative d'Appel de Marseille, saisie par des associations, a ordonné à Orano de fournir une analyse complémentaire des impacts environnementaux du projet TDN, marquant un point pour les opposants.18
  
• Une nouvelle audience s'est tenue devant la même cour le 12 avril 2024, concernant les recours déposés par les associations Rubresus et COL.E.R.E contre les autorisations préfectorales des installations TDN et NVH.65 L'issue de cette audience n'est pas connue à travers les documents fournis.79 L'association TCNA a également engagé des recours contre ces projets.58
  
• Contentieux liés aux maladies professionnelles: Des actions en justice ont été menées par d'anciens salariés ou leurs ayants droit pour faire reconnaître le lien entre leur pathologie et leur exposition professionnelle sur le site de Malvési, avec des issues variables (voir section III.A).
  

Ces actions en justice, bien que souvent longues et coûteuses pour les associations, ont parfois permis d'obtenir des avancées significatives, comme la demande d'études complémentaires pour le projet TDN. Elles témoignent de la détermination des acteurs de la société civile à faire valoir le droit à un environnement sain et à exiger des comptes de la part de l'industriel. La mobilisation citoyenne, à travers des manifestations, des pétitions et un travail continu d'information du public 20, vient appuyer ces démarches juridiques, créant une pression publique qui peut influencer les décisions politiques et judiciaires. Cette combinaison d'expertise juridique, de contre-expertise scientifique (notamment via la CRIIRAD) et de mobilisation sur le terrain constitue un véritable contre-pouvoir face à un acteur industriel majeur et aux décisions administratives. Il est à noter que les rapports publiés par Orano 80 se concentrent sur les objectifs de développement durable et les résultats financiers du groupe, sans mentionner ces actions en justice spécifiques, illustrant ainsi la divergence des perspectives et des priorités.

Tableau 4 : Principales Actions et Revendications des Associations et ONG

VI. Conclusion et Recommandations

L'analyse exhaustive des documents disponibles concernant l'usine Orano Malvési de Narbonne dresse le portrait d'un site industriel stratégique pour la filière nucléaire, mais dont l'histoire et le fonctionnement sont jalonnés d'incidents, de pollutions et de controverses persistantes.

• Synthèse des principaux constats:
  
• Une récurrence d'incidents de natures variées (fuites de produits chimiques et radioactifs, incendies, explosions, déversements accidentels, problèmes liés au transport de matières dangereuses) a été observée tout au long de l'exploitation de l'usine. Ces événements ont impliqué des substances potentiellement dangereuses pour l'homme et l'environnement, telles que l'uranium sous diverses formes, l'acide fluorhydrique, l'ammoniac et les nitrates.
  
• Une contamination environnementale par des substances radioactives (uranium, plutonium, thorium et leurs produits de filiation) et chimiques (nitrates, ammoniac, fluorures) est avérée dans les différents compartiments de l'environnement (air, eau, sols, végétation). Des études indépendantes, notamment celles de la CRIIRAD, indiquent une dispersion de ces contaminants parfois à des distances significatives du site et à des niveaux jugés préoccupants.
  
• Des impacts sanitaires directs sur les travailleurs ont été reconnus, avec plusieurs cas de maladies professionnelles (cancers, leucémies) indemnisées. Parallèlement, de fortes préoccupations demeurent quant à la santé des populations riveraines, alimentées notamment par une sur-incidence de cancers du poumon constatée à Narbonne, bien qu'un lien de causalité direct et scientifiquement prouvé avec les activités de l'usine ne soit pas établi par des études épidémiologiques officielles et spécifiques.
  
• Une divergence notable et persistante existe entre les communications officielles d'Orano et des autorités, qui tendent à souligner la maîtrise des risques et la conformité réglementaire, et les constats et alertes émanant d'organismes indépendants et d'associations environnementales. Cette situation alimente un climat de méfiance et des conflits récurrents.
  
• Les nouveaux projets industriels engagés par Orano (comme le Traitement Des Nitrates - TDN, et la Nouvelle Voie Humide - NVH pour la production d'UO2) font l'objet d'une contestation continue de la part de la société civile et des associations de protection de l'environnement, notamment par la voie juridique, en raison des craintes liées à leurs impacts potentiels.
  
• Analyse des écarts et des défis:
  
• Le défi principal réside dans la gestion à long terme des déchets radioactifs et des effluents accumulés sur le site depuis des décennies. Les volumes concernés sont considérables (plus d'un million de mètres cubes selon Sortir du Nucléaire Aude 59), et les solutions de traitement ou de confinement pérennes et sûres font l'objet de débats intenses.
  
• La difficulté à établir des liens de causalité directs et scientifiquement irréfutables entre les pollutions diffuses ou chroniques de l'usine et certaines pathologies observées au sein de la population générale demeure un point sensible. L'absence d'études épidémiologiques dédiées, approfondies et indépendantes, spécifiquement axées sur l'impact de Malvési, est régulièrement pointée du doigt.
  
• Une tension structurelle existe entre les impératifs industriels et économiques d'un acteur majeur de la filière nucléaire, qui contribue à la production d'énergie et à l'emploi local, et les exigences de protection de l'environnement et de la santé publique, portées par les citoyens et les associations.
  
• La gestion des risques et des impacts semble parfois fragmentée. Les projets introduits pour résoudre des problèmes existants (par exemple, le TDN pour les nitrates) peuvent eux-mêmes générer de nouvelles préoccupations environnementales et sanitaires. Cela suggère un besoin d'une évaluation plus globale et intégrée des risques, qui prenne en compte les effets cumulatifs et les conséquences à long terme des différentes activités du site. L'étude ERS pluriannuelle de l'IRSN 38 pourrait contribuer à cette approche, mais ses conclusions complètes et leur traduction en actions concrètes seront déterminantes.
  
• Recommandations:Sur la base des constats établis et des préoccupations exprimées dans les documents analysés, plusieurs recommandations peuvent être formulées pour améliorer la situation à Orano Malvési et dans son environnement :
  
• Renforcer la surveillance environnementale indépendante: Il est impératif de poursuivre et d'intensifier les études indépendantes et transparentes sur la qualité de l'air, de l'eau (y compris les nappes phréatiques et les canaux), des sols et de la chaîne alimentaire. Cette surveillance devrait inclure un spectre élargi de polluants, couvrant l'ensemble du cocktail de radionucléides, métaux lourds et composés chimiques potentiellement émis par le site. Les travaux de la CRIIRAD 9 fournissent une base méthodologique pour de telles investigations.
  
• Mener des études épidémiologiques approfondies: Il est crucial de mandater des organismes de santé publique reconnus et indépendants (tels que Santé Publique France ou des équipes de recherche universitaires spécialisées) pour conduire des études épidémiologiques rigoureuses et spécifiques sur les populations riveraines de Malvési. Ces études doivent viser à évaluer objectivement les impacts sanitaires potentiels des expositions chroniques et accidentelles. Cette recommandation fait écho aux demandes répétées de l'association Rubresus.41
  
• Améliorer la transparence et la communication: Orano et les autorités compétentes devraient s'engager à une publication proactive, complète et en temps réel de toutes les données relatives aux incidents, aux rejets (y compris les mesures en continu aux points d'émission et dans l'environnement), et aux résultats de la surveillance environnementale. Un accès public facilité à ces données brutes et interprétées est essentiel pour restaurer la confiance, comme le soulignent implicitement les critiques sur l'opacité passée.10
  
• Réévaluer les projets industriels contestés (TDN, NVH): Une réévaluation complète des projets TDN et NVH est nécessaire, intégrant de manière exhaustive toutes les études d'impact disponibles (y compris les impacts sanitaires à long terme, les effets des perturbateurs endocriniens, etc.) et explorant sérieusement les alternatives technologiques. Ce processus doit impliquer une véritable consultation publique et une association étroite des parties prenantes locales aux prises de décision, conformément aux revendications des associations.58
  
• Renforcer la prévention des accidents: Un audit indépendant des procédures de sécurité et de gestion des risques doit être mené, en se concentrant particulièrement sur le transport et la manutention des matières dangereuses, ainsi que sur la prévention des incendies et des explosions. Les leçons des incidents passés doivent être systématiquement intégrées pour améliorer les pratiques.
  
• Appliquer rigoureusement le principe de précaution: En présence d'incertitudes scientifiques persistantes quant aux impacts potentiels d'une activité ou d'un rejet sur la santé ou l'environnement, les décisions prises doivent privilégier les mesures les plus protectrices.
  
• Soutenir la recherche et l'expertise indépendantes: Des moyens financiers et un accès facilité aux informations doivent être garantis pour permettre aux organismes de recherche indépendants (comme la CRIIRAD) et aux institutions académiques de poursuivre leurs investigations et de fournir des contre-expertises crédibles.
  

En définitive, la situation de l'usine Orano Malvési illustre la complexité de concilier activités industrielles à hauts risques et protection de l'environnement et de la santé publique. Une approche plus intégrée, prospective et transparente, associant toutes les parties prenantes et s'appuyant sur une expertise scientifique diversifiée et indépendante, apparaît indispensable pour gérer durablement les enjeux présents et futurs de ce site majeur de la filière nucléaire française.

Sources des citations

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• Les taux de radioactivité à Narbonne suscitent de fortes inquiétudes sanitaires, consulté le mai 11, 2025, https://bulletindescommunes.net/taux-radioactivite-inquietudes-sanitaires-narbonne/
  
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