Cinq Impensés Chasseurs Nucléaires Libéraux


Anatomie de la Prédation : Les Convergences Ontologiques entre Chasse Industrielle, Complexe Nucléaire, Colonialisme et Libéralisme



Introduction : La Matrice de l'Extraction et le Déni du Vivant


L'analyse structurelle des modes de gouvernance contemporains révèle une homologie frappante entre des sphères d'activité a priori distinctes : la pratique cynégétique institutionnalisée, l'industrie nucléaire civile et militaire, et la dynamique macro-économique du libéralisme mondialisé. Ces systèmes ne se contentent pas de coexister au sein de l'espace social ; ils s'articulent autour d'une racine épistémologique commune, un "continuum extractiviste" hérité de la logique coloniale. Ce rapport se propose de disséquer les architectures invisibles qui soutiennent ces édifices, en identifiant cinq impensés majeurs : la réduction de la nature à un gisement inerte, l'établissement d'une hiérarchie sacrificielle des vies humaines et non-humaines, le déni chronique du temps long au profit d'un court-termisme financier, une foi théologique en la technique comme instrument de salut, et la persistance d'un modèle de domination virile.

Il ne s'agit pas ici d'opérer de simples comparaisons métaphoriques, mais de mettre à jour les mécanismes opérationnels et discursifs par lesquels ces industries et idéologies perpétuent une guerre de basse intensité contre le vivant. En s'appuyant sur une analyse transversale des données techniques, sociologiques et écologiques, nous démontrerons comment la gestion de l'atome et la gestion de la faune sauvage participent d'une même cosmologie de la séparation et de la maîtrise, validée par une rationalité économique qui externalise systématiquement ses coûts destructeurs.


I. L'Impensé de la Chosification : La Nature comme Capital Mort


Le premier pilier soutenant cet édifice est la négation radicale de l'autonomie du vivant et des systèmes géologiques. Dans la cosmologie libérale, la nature n'acquiert de valeur qu'au moment où elle est extraite, transformée ou abattue. Elle est perçue non comme un milieu, mais comme un stock.


1.1. L'Extraction Nucléaire et la Terre comme "Stérile"


L'industrie nucléaire, souvent présentée sous l'angle aseptisé de la décarbonation, repose en amont sur une violence extractive qui transforme des territoires entiers en zones mortes. L'histoire de l'uranium est celle d'une transformation sémantique et physique : la terre sacrée ou nourricière devient un "gisement", et une fois l'uranium extrait, ce qui reste n'est plus du sol, mais du "stérile" minier. Cette terminologie industrielle, employée par des géants comme Orano (ex-Areva), acte la mort biologique du territoire.

Au Niger, dans la région d'Arlit, l'exploitation de l'uranium a généré des millions de tonnes de résidus radioactifs laissés à l'air libre, exposant plus de 100 000 personnes à des poussières contaminées et menaçant l'alimentation en eau potable via la pollution des nappes fossiles.1 Ce processus illustre la logique coloniale pure : la substance valorisable est extraite vers la métropole (pour alimenter les réacteurs français), tandis que l'entropie — la pollution radioactive et chimique — est laissée sur place, devenant le fardeau des populations locales pour des millénaires.2

Cette dynamique s'est jouée à l'identique aux États-Unis, dans la région des Four Corners. La ruée vers l'uranium des années 1950 a transformé les réserves Navajo et Laguna en zones d'extraction intensive. Les gisements découverts par Paddy Martinez en 1950 ont déclenché un cycle de conquête néocoloniale où le désert, loin d'être un écosystème fragile, a été traité comme une zone vide en attente de valorisation capitaliste.4


1.2. La Chasse Industrielle : L'Animal Manufacturé et la Pollution Chimique


Parallèlement, la chasse française contemporaine s'éloigne du mythe de la cueillette sauvage pour embrasser une gestion agro-industrielle du vivant. L'animal n'est plus une altérité sauvage, mais un produit manufacturé dont on contrôle la génétique et la démographie. Cette chosification atteint son paroxysme avec la pratique des "cocottes", ces animaux d'élevage relâchés massivement quelques jours, voire quelques heures, avant d'être tirés.

Les données sont éloquentes : entre 10 et 15 millions de faisans et environ 5 millions de perdrix sont élevés et lâchés chaque année en France.5 Ces animaux, souvent inadaptés à la vie sauvage, perturbent les écosystèmes locaux et polluent le génome des souches sauvages relictuelles.6 L'acte de chasse se transforme ainsi en une consommation de bétail déguisé, validant l'idée que la nature doit être "augmentée" artificiellement pour satisfaire la demande de loisir.

Au-delà de la manipulation génétique, la chasse transforme physiquement les sols en décharge toxique. La pollution par le plomb est un fléau majeur et documenté. Environ 6 000 tonnes de plomb sont déversées chaque année dans la nature française par les munitions de chasse.7 Ce plomb, loin d'être inerte, subit des transformations chimiques dans le sol, s'oxydant en sels de plomb (sulfates, carbonates) assimilables par les plantes et la faune.8


Type de Pollution

Quantité Estimée / An (France)

Conséquences Écologiques

Sources

Plomb (Munitions)

~6 000 Tonnes

Saturnisme aviaire, contamination des nappes, toxicité pour les consommateurs de gibier

7

Génétique (Lâchers)

~20 Millions d'oiseaux

Hybridation, introduction de pathogènes, compétition avec les souches sauvages

5

Cette contamination systémique est tolérée par les pouvoirs publics, malgré les avis de l'ANSES recommandant de limiter la consommation de gibier sauvage pour les femmes enceintes et les enfants.7 Ici, la nature-ressource est consommée jusqu'à l'empoisonnement, sacrifiant la santé publique et la qualité des sols à la liberté de "consommer" du tir.


1.3. La Convergence Libérale : Privatisation et Enclosure


Ces deux dynamiques s'inscrivent dans l'impensé libéral de l'appropriation exclusive. La chasse se privatise via l'enclosure : la multiplication des parcs et enclos de chasse grillagés, où le gibier est confiné pour être abattu sans échappatoire, représente l'aboutissement ultime de la marchandisation.9 Ces espaces, souvent détenus par des capitaines d'industrie, transforment la forêt en supermarché de la mort, générant un chiffre d'affaires de 150 millions d'euros par an pour les établissements commerciaux de chasse.11

De même, la libéralisation du marché de l'électricité pousse à une gestion des actifs nucléaires où la rentabilité immédiate prévaut. L'ouverture à la concurrence fragilise les investissements de long terme nécessaires à la sûreté, transformant l'électron nucléaire en une commodité soumise aux fluctuations boursières, déconnectée des réalités physiques de sa production.12 Dans les deux cas, la valeur d'échange écrase la valeur intrinsèque de l'écosystème.


II. La Hiérarchie Sacrificielle : Zones de Non-Être et Nécropolitique


Le second impensé structurel est l'acceptation tacite, voire institutionnalisée, qu'il existe des vies, des territoires et des populations "sacrifiables" pour le maintien du mode de vie dominant. Cette "nécropolitique" (la politique de la mort) est l'héritage direct du colonialisme et se retrouve au cœur des arbitrages énergétiques et cynégétiques.


2.1. Le Colonialisme Nucléaire : De la Chair à Canon à la Chair à Neutrons


Le concept de "zone de sacrifice" est central pour comprendre l'industrie nucléaire. Il désigne des territoires dévastés écologiquement au nom de l'intérêt national supérieur. L'histoire de l'extraction de l'uranium aux États-Unis offre un exemple paradigmatique de cette hiérarchie raciale et sociale.

Dans les années 1950 et 1960, les mineurs Navajos embauchés par des compagnies comme Kerr-McGee ou Vanadium Corp travaillaient dans des conditions dignes du XIXe siècle. Tandis que les superviseurs "Anglos" (blancs) disposaient de logements ventilés et de douches pour se décontaminer, les travailleurs autochtones vivaient dans des campements précaires, sans eau courante, ramenant la poussière radioactive dans leurs foyers. George Tutt, un mineur Navajo, témoigne avoir travaillé comme "nettoyeur à la main" pour 2,50 dollars de l'heure, sans masque ni gants, manipulant directement le minerai.4


Catégorie de Travailleur

Conditions de Vie et de Travail (Mines Uranium USA 1950-1970)

Conséquences Sanitaires

Sources

Mineurs Navajos

Pas d'EPI, pas de douches, logement en tente/hogan, salaire minimum, information sur les risques retenue

Cancers du poumon (taux x50), fibroses, contamination familiale via vêtements

4

Superviseurs Anglos

Logements préfabriqués avec douches, repas fournis, rotation des postes

Exposition moindre, suivi médical plus rigoureux

4

Cette différenciation des corps n'est pas un accident de l'histoire, mais une caractéristique structurelle. Le corps indigène est perçu comme un consommable, un "Kleenex" selon les mots du mineur Floyd Frank.4 Aujourd'hui encore, les femmes Navajos et leurs enfants subissent les effets transgénérationnels de cette exposition, avec des taux anormaux d'ablation de l'utérus et de maladies congénitales.4


2.2. La Colonisation Intérieure : Bure et la Répression


La logique sacrificielle ne s'arrête pas aux frontières des anciennes colonies ou des réserves indiennes. En métropole, elle se manifeste par la désignation de territoires ruraux en déprise comme réceptacles des déchets ultimes. Le projet Cigéo à Bure (Meuse) illustre une forme de colonisation intérieure. Ce territoire à faible densité de population est sommé d'accueillir 90% de la radioactivité française pour des millénaires.15

L'État y déploie une violence légitime disproportionnée pour faire taire la contestation. La criminalisation des opposants atteint des sommets inquiétants, symbolisée par l'arrestation et la garde à vue d'un avocat du mouvement lors d'une perquisition, un fait rarissime qui porte atteinte aux droits fondamentaux de la défense.16 Le territoire rural est traité comme une périphérie soumise, sacrifiée pour que les métropoles urbaines puissent jouir d'une électricité décarbonée sans en assumer la matérialité toxique.


2.3. La Chasse et l'Hégémonie Spatiale sur les "Non-Chasseurs"


Dans le domaine cynégétique, la hiérarchie sacrificielle s'exprime par la domination physique et juridique de l'espace public. Bien que représentant moins de 1,5% de la population française, les chasseurs imposent leur usage de la nature aux 98% restants. Les accidents de chasse, qui touchent régulièrement des non-chasseurs (randonneurs, résidents, automobilistes), sont traités par le système judiciaire et politique comme des aléas acceptables, le prix à payer pour le maintien d'une tradition.17

Les statistiques de l'Office Français de la Biodiversité (OFB) révèlent une réalité inquiétante : plus d'un accident sur quatre concerne un non-chasseur.18 La mort d'une promeneuse dans le Cantal ou d'un homme dans son jardin n'entraîne pas de remise en cause structurelle de la pratique, mais de simples appels à la "prudence". Cette tolérance institutionnelle envers la violence cynégétique témoigne d'une hiérarchie implicite où le droit de tuer (loisir) prime sur le droit à la sécurité (vie).


III. Le Court-Termisme Ignoré : La Dette Temporelle et Financière


Le libéralisme, intrinsèquement lié aux cycles électoraux et boursiers courts, est structurellement incapable de gérer le temps long. Cet horizon temporel limité entre en collision frontale avec les réalités biologiques (cycles de reproduction, résilience des écosystèmes) et radiologiques (demi-vies des isotopes), créant une dette colossale pour les générations futures.


3.1. L'Éternité Radioactive face à la Volatilité Financière


L'industrie nucléaire génère des déchets dont la dangerosité s'étend sur des échelles de temps géologiques. Les déchets de haute activité à vie longue (HAVL) resteront dangereux pour plus de 100 000 ans.19 Pourtant, la gouvernance de ces déchets est décidée à l'aune de mandats politiques de cinq ans.

L'aspect le plus critique de ce court-termisme est la financiarisation du démantèlement. En France, les fonds destinés à payer le démantèlement futur des centrales et la gestion des déchets sont des provisions comptables constituées par les exploitants (EDF, Orano). Ces fonds sont investis sur les marchés financiers. Cette logique expose la sûreté nucléaire future aux aléas de la bourse : une crise financière majeure pourrait engloutir les sommes prévues pour gérer des déchets éternels.21 La Cour des Comptes a alerté sur le risque de "perte de valeur des actifs" et sur l'optimisme excessif des calculs de provisionnement.21

De plus, le coût du projet Cigéo est l'objet d'une bataille de chiffres symptomatique. Estimé à 15 milliards par les producteurs de déchets (EDF, CEA, Orano) qui cherchent à minimiser leurs provisions actuelles, il est évalué à plus de 34 milliards, voire 41 milliards (avec fiscalité) par l'ANDRA et la Cour des Comptes.20 Ce flou artistique permet de repousser la charge financière réelle sur les contribuables futurs.


3.2. L'Agrainage : La Fabrique du Déséquilibre Biologique


Dans le monde de la chasse, le court-termisme se manifeste par la pratique généralisée de l'agrainage (nourrissage des sangliers au maïs). Officiellement présenté comme une mesure de "dissuasion" pour empêcher les sangliers de commettre des dégâts dans les champs agricoles, l'agrainage agit en réalité comme un dopant démographique.24

En nourrissant la faune sauvage, les chasseurs augmentent artificiellement la capacité de charge du milieu, favorisant une reproduction précoce et massive des laies. Cela crée une surpopulation qui justifie ensuite des quotas de tir plus élevés et des saisons de chasse allongées. C'est la stratégie du "pompier-pyromane" : les chasseurs créent le problème (surpopulation) dont ils prétendent être la seule solution (régulation).25

Ce modèle économique, où les fédérations de chasseurs indemnisent les agriculteurs pour les dégâts de gibier (environ 80 millions d'euros par an) tout en maintenant des populations élevées pour satisfaire leurs adhérents, est une aberration écologique. Il privilégie le plaisir immédiat du tir abondant au détriment de l'équilibre forestier et agricole à long terme.27


3.3. La Responsabilité Civile Nucléaire : L'État-Assureur en Dernier Ressort


Le court-termisme libéral s'illustre également dans le régime de responsabilité civile nucléaire. La Convention de Paris plafonne la responsabilité financière des exploitants en cas d'accident. En France, ce plafond est fixé à 700 millions d'euros, un montant dérisoire face au coût d'un accident majeur (estimé entre 400 et 1 000 milliards d'euros par l'IRSN).29

Scénario d'Accident

Coût Estimé (IRSN/Cour des Comptes)

Plafond Responsabilité Exploitant (Convention Paris/Loi)

Différentiel (Charge État/Citoyens)

Accident Majeur (type Fukushima) en France

~430 Milliards €

700 Millions €

~429,3 Milliards €

Ce mécanisme est la définition même de la privatisation des profits et de la socialisation des risques : l'exploitant encaisse les revenus de l'électricité aujourd'hui, mais en cas de catastrophe, c'est la collectivité qui paiera la quasi-totalité de la facture.


IV. La Foi en la Technique : Le Technosolutionisme comme Religion


Face aux crises écologiques et aux risques inhérents à leurs activités, le nucléaire et la chasse partagent une foi inébranlable en la solution technique, refusant toute remise en cause systémique. Ce "technosolutionisme" sert de paravent pour maintenir le statu quo.


4.1. Le Nucléaire face à la Matière : La Corrosion du Réel


L'industrie nucléaire se heurte régulièrement à la matérialité rebelle de ses installations, contredisant le mythe de la maîtrise parfaite. Le phénomène de Corrosion Sous Contrainte (CSC), découvert récemment sur les réacteurs les plus récents (paliers N4 et P'4 comme Civaux et Chooz), en est l'illustration. Des fissures se développent sur des tuyauteries auxiliaires du circuit primaire en acier inoxydable, pourtant conçues pour être infaillibles.32

La réponse industrielle est toujours plus de technique : contrôles par ultrasons, découpes, soudures robotisées. Cependant, ce phénomène a forcé l'arrêt simultané de nombreux réacteurs, mettant en péril la sécurité d'approvisionnement en plein hiver. Cela démontre que la complexité technologique accroît la vulnérabilité du système. De même, face au réchauffement climatique, l'industrie propose des solutions d'adaptation (réacteurs "Grands Chauds") qui atteignent leurs limites physiques : lors des sécheresses, les dérogations environnementales pour rejeter de l'eau plus chaude dans les rivières deviennent la norme, sacrifiant la biodiversité aquatique au maintien de la production.34


4.2. La "Gestion Adaptative" et l'Échec de l'Application ChassAdapt


La chasse tente de se moderniser à travers le concept de "gestion adaptative", censé ajuster les prélèvements en temps réel selon l'état des populations. L'outil phare de cette politique est l'application smartphone ChassAdapt.

Présentée comme une révolution numérique, cette application s'est révélée être un fiasco opérationnel et éthique. Les données sont déclaratives et invérifiables, les bugs sont fréquents, et l'adhésion des chasseurs reste faible ou contrainte.36 Plus grave, cet outil technologique sert souvent d'alibi pour contourner des moratoires sur des espèces menacées (comme la Tourterelle des bois ou le Courlis cendré), en promettant une précision de gestion que la réalité du terrain dément.38 La technologie ne sert pas ici à protéger, mais à optimiser le prélèvement jusqu'à la dernière limite soutenable.

La "gadgetisation" de la chasse va plus loin : l'utilisation croissante d'optiques thermiques, de caméras connectées et de matériel paramilitaire transforme la pratique en un jeu vidéo où l'animal n'a plus aucune chance. Cette dérive technologique, analysée par les détracteurs comme une perte de sens, est vendue comme un "progrès" par l'industrie armurière.40


4.3. Le Langage Technocratique : Déshumaniser pour Dominer


Cette foi en la technique s'accompagne d'une novlangue spécifique destinée à exclure le profane et à anesthésier la conscience morale. Carol Cohn, dans son analyse du langage des experts de la défense, montre comment des termes comme "dommages collatéraux", "frappes chirurgicales" ou "échange nucléaire" permettent de planifier l'apocalypse sans jamais évoquer la chair brûlée ou la souffrance humaine.41

L'industrie nucléaire civile utilise les mêmes procédés : une explosion devient une "excursion de puissance", un déchet mortel devient un "inventaire" ou une "matière valorisable", un accident est un "événement".43 Ce langage technocratique opère une déshumanisation radicale, rendant rationnelle et acceptable la gestion de risques existentiels.


V. Le Modèle Viril de Domination : Le Patriarcat Armé


Enfin, le ciment psycho-sociologique qui lie ces systèmes est une construction patriarcale de la virilité. L'écoféminisme a depuis longtemps identifié les liens croisés entre la domination des femmes et celle de la nature : toutes deux sont perçues comme des territoires à conquérir, à pénétrer et à maîtriser.44


5.1. Le Phallus Nucléaire et l'Arme Fétiche


La dissuasion nucléaire et l'armement sont saturés de symbolisme sexuel. Carol Cohn rapporte comment, dans les cercles stratégiques, les missiles sont décrits avec des métaphores phalliques ("penetration aids", "deep thrust"), et comment la perte de la capacité de frappe est vécue comme une castration nationale.42 L'arme est le fétiche qui rétablit une puissance symbolique face à un monde perçu comme menaçant.

L'ironie tragique de ce modèle viril de "protection" est qu'il se retourne souvent contre ceux qu'il prétend défendre. Les statistiques montrent que les armes à feu domestiques (souvent de chasse) sont plus souvent utilisées pour tuer des membres de la famille (féminicides, suicides) que pour repousser des intrus.46 Le "protecteur" armé est statistiquement le principal danger pour son propre foyer.


5.2. Le Survivalisme et la Crise de la Masculinité


Cette anxiété virile nourrit également la mouvance survivaliste, qui gagne du terrain chez certains chasseurs et militants pro-armes. Des figures comme "Vol West" ou des chaînes comme "Viking Preparedness" théorisent l'effondrement de la société comme une opportunité de restaurer un ordre patriarcal "naturel", où l'homme fort, armé et capable de chasser, reprendrait sa place dominante face à une modernité jugée efféminée et dépendante.48 La chasse devient alors une préparation à la guerre civile, un entraînement à la survie où la compassion est une faiblesse mortelle.


5.3. La Rhétorique de Willy Schraen : L'Identité Rurale contre l'Écologie "Bobo"


Willy Schraen, président de la Fédération Nationale des Chasseurs, incarne parfaitement cette rhétorique de la virilité assiégée. Il construit une opposition binaire entre une "ruralité" authentique, active et prédatrice, et une écologie urbaine (les "Parisiens", les "bobos") décrite comme déconnectée, sensible et implicitement féminine.49

Ses sorties médiatiques, où il défend les chasses traditionnelles (glu, tenderie) au nom de l'identité culturelle, ou lorsqu'il décrit avec émotion le rituel de la "dernière brisée" (placer une branche dans la bouche de l'animal mort), visent à sacraliser l'acte de tuer comme un fondement anthropologique de l'homme, le vrai.51 L'attaque contre la chasse est ainsi recadrée non comme un débat écologique, mais comme une tentative de castration culturelle de la "France périphérique" par une élite technocratique et moralisatrice.52


Conclusion


L'analyse transversale de la chasse industrielle, du nucléaire et du libéralisme révèle bien plus que des similitudes de surface : elle met à jour une infrastructure ontologique commune. Ces systèmes reposent tous sur la fragmentation du monde (sujet/objet, nature/culture, homme/femme) et sur la légitimation de la violence (extractivisme, hiérarchie sacrificielle) au nom d'une rationalité économique et technique à courte vue.

Reconnaître ces convergences est crucial. On ne peut décarboner la société sans décoloniser notre rapport à la terre (nucléaire). On ne peut protéger la biodiversité sans déconstruire la virilité prédatrice (chasse). On ne peut penser le temps long sans sortir de la dictature du profit immédiat (libéralisme). La transition écologique véritable ne sera pas un simple ajustement technologique, mais une mutation civilisationnelle qui devra impérativement résoudre ces cinq impensés.


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Sources des citations
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